mercredi 27 octobre 2010

Ville Morte

Fermé pour cause de décès disait la feuille blanche griffonnée rapidement et qu’une main maladroite avait scotchée sur la porte.

Je n’avais pas envie d’aller à cette messe, ni de suivre le corbillard jusqu’au cimetière du bled à côté. Par contre, je ne me sentais pas d’ignorer le moment. Je l’aimais bien la quincaillère. Je la connaissais depuis mon enfance. Petite, elle me donnait des ballons, ou des scoubidous, plus tard, elle avait toujours la pince, le sécateur, ou le moule approprié. Toujours de bon conseil, toujours souriante, toujours dynamique, toujours de bonne humeur, un petit mot gentil à chacun. Ces dernières années, je passais souvent lui dire un petit bonjour, acheter un sac de plâtre, un pinceau plat, un ressort pour le grille pain. Elle adorait voir grandir les petits, et leur proposait invariablement de choisir un petit cadeau dans le rayon jouet. Ils repartaient ravis avec un pistolet à eau, ou un puzzle, acquis pour un bisou.

Je savais qu’elle n’allait pas très bien, sous l’emprise du crabe. Cet été, elle n’était plus à la boutique. J’avais pris de ses nouvelles, maman l’avait croisée une fois. Amaigrie, fatiguée, mais toujours battante, toujours souriante, toujours empathique.

C’est Loreleï qui m’a appris la nouvelle. « Ils l’enterrent mercredi », m’a-t-elle dit. J’irai… au moins signer le registre.

Cet après midi, j’étais au bled à coté. Sans viser particulièrement, j’étais à la bonne heure, au bon endroit. La ville est bondée de voitures. Tous les parkings sont pleins, voitures en double file, garées sur le trottoir. Dans la rue de l’église, je stationne en double file, me fraye un chemin au milieu des inconnus qui suivent la messe par les hauts parleurs. L’église est bondée, une file d’attente digne de station service en temps de grèves s’allonge devants les petites tables des regstres réparties devant l’église.

Comme les autres, je fais la queue pour laisser un témoignage de sympathie à la famille, de notre part à tous. Puis passe le stylo à la dame derrière moi.

Dans un coin de la place, j’explique aux enfants, leur demande de se souvenir un peu de cette dame qui leur offrait toujours un petit cadeau, une minute de silence –un pater, deux ave, et remballe mon petit monde dans la voiture.

En partant, je traverse la ville, morte. Tous les commerces sont fermés, arborant un petit papier blanc : « fermé pour cause de funérailles ». Il fait beau, le soleil brille, et c’est tant mieux. Il aurait été insultant pour elle de l’enterrer sous la pluie, elle qui a si longtemps été rayon de soleil dans sa caverne d’Ali Baba.

Au revoir, madame --et merci.

mardi 26 octobre 2010

Mais pourquoi j’aime autant ces vieilles pierres ?

Un jour mon c&t m’a dit : « il n’y a que là que tu es heureuse ». Si j’avais été un smiley, j’aurais fait la tête de celui qui ouvre grand un œil interloqué : O_o quelque chose comme ça.
Ces murs ont été témoins de tant de mauvais moments, tant de disputes, toutes générations confondues… Et pourtant c’est vrai : quand j’arrive ici, c’est comme si le temps s’arrêtait.

Je suis dans la cuisine, sur un coin de table, j’écris. La table est mise pour déjeuner, et les carottes cuisent doucement. Et puis il y a cette lumière, ce soleil éclatant sur la cuisinière, ces rayons qui traversent la pièce et se reflètent dans la fenêtre d’en face. Les ombres des arbres bougent sur le sol, sur les carreaux de la table, déformées par les vitres anciennes. Il y a ce silence mêlé de bruits familiers : l’eau qui circule dans les tuyaux du chauffage, les glaçons du frigo…

Il y a ce désordre de systèmes D, qui mélangent antiquités et modernisme, désordre que je ne supporterai pas chez moi. Ici, les fils qui pendent n’ont pas d’importance…

Ici, je suis zen. Le temps n’a pas de prise, c’est si précieux. Le temps est un luxe. L’espace aussi. Mes Vieilles Pierres, c’est mon royaume : luxe, calme et volupté..

Peut être irons-nous voir pousser les champignons cet après midi, ou ramasser quelques branches intéressantes pour une future cabane. Je ferais peut être quelques photos d’automne, et une course en ville… ou pas. Ou si non demain…

J’aime cette indolence hors du temps. Je suis bien, un peu comme une chatte allongée au soleil...

lundi 25 octobre 2010

La persécution de la télévendeuse

- Bonjour Madame, je vous appelle de la société machin pour savoir si vous avez reçu notre courrier pour installer des panneaux photovoltaïques sur votre toit ?

- Oui, madame, nous avons bien reçu, mais n’avons pas répondu car cela ne nous intéresse pas…

- Ha bon ? Mais on l’a envoyé récemment le courrier…

- Oui, mais ça ne nous intéresse pas.

- Pourtant c’est très bien les panneaux photovoltaïques…

- M’enfin Madame, vous avez regardé où vous téléphonez avant de proposer n’importe quoi à n’importe qui ?

- Pourquoi vous n’avez pas de toit ?

- (bien vu !) presque…

- Ha bon ? mais on peut quand même mettre des panneaux, ça vous ferait un toit…

- Madame, mon toit est en lauzes, le site est classé, vous croyez que je peux ?

- C’est vous qui voyez, mais je peux vous donnez un rendez vous avec un conseiller… Lundi prochain ? je vous rappelle quelques jours avant pour confirmer… Si vous tombez d’accord, les travaux pourront commencer le mois prochain !

- Non. Non, non et non ! Je ne veux pas de panneaux solaires sur mon toit, je ne veux pas de conseiller de rien du tout, je ne veux pas de travaux en plein hiver, je ne veux pas de travaux du tout d’ailleurs ! Et, je ne veux surtout pas que vous me rappeliez ! Il serait de plus intéressant que vous appreniez votre métier, et que vous regardiez où vous appelez avant de proposer n’importe quoi, et sachez que l’on ne fait pas de travaux sur le toit en plein hiver... Vous auriez plus de chances de décrocher des rendez vous. Même si c’est pas super palpitant votre boulot, soyez professionnelle !

[J’ai peut être été un peu loin… il ne faudrait surtout pas qu’elle se mette à pleurer à l’autre bout du fil… Mais non, elle rebondit et surtout raccroche !]

- Vous avez raison Madame, mon boulot est nul, mais je vais y penser à regarder où j’appelle pour ne pas appeler n’importe où… Au revoir !

dimanche 24 octobre 2010

Vieilles Pierres

Finalement, peu ont importés les barrages, les grèves, les manifs et les pénuries de carburant. Réveillée à l’aube, j’ai jeté quelques vêtements dans une valise, entassé quelques doudous, trois pantalons, trois t-shirts deux pulls, slips et chaussettes pour les enfants, mis tout ça dans le coffre de la Kabomobile, et escortée de mon c&t époux dans sa nouvelle c&t-mobile, j’ai avalé les kilomètres. J’ai avalé en douceur, le pied léger, à l’écoute des informations de route, attentive à la descenyte de la jauge d’essence. Tellement attentive à ne pas freiner une fois lancée que je n’ai même pas freiné devant les radars mobiles, tellement persuadée de rouler doucement dans l’économie de mon réservoir que je regardais les jumelles le sourire béat, juste avant de me rendre compte que j’étais juste au dessus de la bonne vitesse… J’ai bien dû perdre trois ou quatre points en venant. Les premiers. Pour une fois que je roule à cent trente… (cinq)…

Mes Vieilles Pierres sont toujours là. Le chauffage ayant fini par bien vouloir démarrer, la maison se réchauffe peu à peu, la chaudière ronronne, l’eau des radiateurs chante. Il faudra enlever les bulles d’air. Les enfants ont retrouvé leur domaine, mon c&t a fait son tour rituel de la maison, et moi, je me suis posée dans le cuisine. Rien n’a vraiment bougé depuis cet été. Le fond de l’air est juste plus frais, plus humide. Loreleï a remis le frigo en route, j’appuie sur le bouton de la cafetière, jette un œil dans le placard d’épicerie : il faudra faire un saut au bled-d’à-côté avant que la superette ne ferme…

Dimanche matin : marché. Le marché comme j’aime. Pas le marché à touriste, plein d’hollandais de passage Non, le marché local, celui de chaque dimanche, celui où l’on rencontre les vrais gens du pays. J’y croise Loreleï d’ailleurs, et son mari. Primeur, fromager, charcutier… Un poulet fermier chez le vietnamien, plus terroir que moi, le pain…

Cet après midi, il pleut, mais ça n’a pas d’importance. Mon c&t est remonté à la capitale du monde, il travaille demain. Les enfants jouent dans le petit salon, dehors la pluie tombe finement, l’eau qui tombe des gouttières crépite sur la terrasse. Je bois une tisane avec plein de citron, et prends enfin quelques minutes pour écrire ces lignes.

samedi 16 octobre 2010

Vive la République

Maman, on pourquoi on va à l’école à pied ? - pour économiser l’essence mon chéri…

Maman, pourquoi on ne va pas chez Disneyland pour Halloween ?
- parce que ça peut être une cible pour les terroristes mon chéri

Maman, pourquoi on ne part pas à Nos Vieilles Pierres pour les vacances ?
- Parce que les routiers bloquent l’autoroute, et qu’on a plus d’essence, mon chéri.

À part ça, tout va très bien Madame la Marquise…

vendredi 15 octobre 2010

Chabadabada, de l’évolution de la société

Y’a un truc qui est effrayant : c’est la montée des intégrismes de toute sorte. Besoin de sentir l’appartenance à un groupe ?

Pas plus tard que hier, je rentre avant le départ de ma femme de ménage (non pas Loreleï, l’autre, je ne crois pas lui avoir donné de nom, mais Jessica-Rabbit lui aurait collé à la peau fut un temps). Jessica – donc, a l’habitude de faire le ménage dans une sorte de pyjama vaguement rose. Entre nous, je m’en fiche comme de mon premier t-shirt, du moment que le boulot est fait, elle peut aussi venir en moon boots et maillot de bain.
Je rentre donc, alors qu’elle termine de ranger l’aspirateur, et sous mes yeux ébahis, je la vois rouler un grand fichu noir sur ses cheveux, vérifier qu’aucun d’eux ne dépasse, enfiler un long manteau noir, jusqu’au sol, soigneusement le boutonner de haut en bas, et attendre à la porte. En attendant, on discute de choses et d’autres, des enfants, de l’école, de la pluie du beau temps. Je me demande un peu ce qu’elle attend, mais vu qu’elle a terminé, je veux bien papoter un peu… Jusqu’à ce que l’interphone sonne. Un livreur ? Non, un homme qui me lance un impétueux : « vous pouvez dire à Jessica que je l’attends dans la voiture »…

Alors, elle sort, les yeux baissés en me souhaitant rapidement un bon week end.

jeudi 14 octobre 2010

L’attente

Alors ?
Rien toujours rien disaient les doudous qui attendaient l’enfant à la maison.
Alors ?
Rien, non rien, se relayaient-ils en guettant tandis que le jour tombait, les ombres s’allongeaient…

Dans le livre de Kitty Crowther, l’attente est le retour de l’enfant.
Dans la vie, l’attente, c’est tout le temps.
J’attends 16h20, la sortie de l’école, elle attend les résultats du jugement, des examens, du concours, il attend la réponse de son client, elle attend la lettre de l’éditeur, les vacances, midi, la récré, la fin du mois,…

Et ?
Et alors ? Rien, non, toujours rien.

Un petit café pour la suite ?

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